Que devra faire l’Europe, une fois unie, de ses possessions d’outre-mer ? La question n’est pas simple et la réponse ne peut-être que polymorphe. Si dans de nombreuses situations l’indépendance de ces territoires pourra être rapidement proclamée comme dans le cas de Mayotte, de la Guadeloupe ou de Wallis-et-Futuna par exemple, d’autres territoires pourront être conservés comme Saint-Pierre et Miquelon, les Kerguelen, le Groenland, les Malouines (les îles Falkland) ou Sainte-Hélène. En revanche, dans certains cas, une position aussi tranchée ne pourra être tenue et une solution à la carte devra être trouvée. Il en va ainsi de la Nouvelle-Calédonie. Cette grande île a été en proie à des troubles dans les années 1980-1990 qui ont donné lieu à des épisodes de guerre civile avec de nombreux morts entre les indépendantistes kanaks et les loyalistes caldoches descendants des populations européennes. Si les accords de Matignon en 1988 ont réussi à clore ce chapitre douloureux la tension est toujours présente sur le territoire et la violence prête à reprendre à la moindre occasion. Seule la perspective des référendums sur l’indépendance semble maintenir la paix fragile entre les communautés rivales dans une forme d’attentisme malsain. Le premier en novembre 2018 a donné une nette majorité (56%) en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française. Mais un second doit se tenir en octobre 2020 et même un troisième si son résultat devait encore confirmer le refus de l’indépendance.
Les positions entre les deux communautés sont si inconciliables qu’il est difficile de croire que le verdict du processus référendaire permettra aux vaincus d’accepter le résultat. Si l’indépendance devait être rejetée comme semble l’indiquer les projections électorales, il serait utopique de croire que cela mettrait fin aux revendications identitaires de la population indigène. À contrario, il serait étonnant que l’indépendance de l’île soit acceptée par les Caldoches sans provoquer de graves soubresauts d’autant plus qu’il s’agirait d’une véritable surprise. Dans ces conditions que faire ? La seule solution est d’envisager et de préparer dès maintenant la partition de l’île. Seul moyen d’anticiper et de prévenir les frustrations et les violences qui ne manqueront pas de surgir dans le camp des vaincus du processus électoral. La Nouvelle-Calédonie est aujourd’hui divisée en trois provinces : dans celle du Sud, la plus peuplée et la plus dense (199 983 habitants en 2014), les anti-indépendantistes y ont toujours été nettement majoritaire. La province du Nord, moins peuplée (50 487 habitants en 2014) a toujours été très majoritairement en faveur de l’indépendance. Il en est de même pour la troisième province, celle des îles Loyauté, peuplée par 18 297 habitants en 2014.
L’Europe accordera l’indépendance aux provinces du Nord et des îles Loyauté et conservera la province du Sud. Dans cette dernière, la nouvelle nationalité européenne ne sera accordée qu’aux caldoches descendants des colons européens. Les personnes résidantes sur ce territoire mais n’ayant pas la nationalité européenne pourront y rester et y travailler si elles le souhaitent mais ne pourront pas participer aux élections. Des transferts de populations devront être organisées pour les membres de la communauté kanak vivant dans le Sud et qui désireront vivre dans les territoires indépendants et réciproquement pour les Caldoches vivant dans les provinces indépendantes et qui souhaiteront rejoindre le territoire européen. Il va de soi que l’intégrité physique des minorités qui auront décidé de rester dans les différents territoires devra être préservée. Les relations économiques et diplomatiques futures entre la partie européenne de l’ancienne Nouvelle-Calédonie et les territoires indépendants kanaks devront faire l’objet de négociations entre les deux entités. Enfin, l’exploitation de la principale richesse de l’île, le nickel, se fera séparément en fonctions des ressources présentes dans chacun des territoires. En fonction de l’évolution des relations ultérieures entre les deux nations une coopération économique profitable aux deux partenaires pourra être envisagée.
D.B.